La Gentiane 

                 

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« la petite vallée enneigée », vit à 2800 m,et n'ouvre ses fleurs qu'en août.

La gentiane printanière (Gentiana verna) est le premier messager du printemps. A 1800 m d'altitude elle fleurit déjà en mai. 

Cette histoire m’a été inspirée à la suite d’une rencontre avec une internaute qui avait comme pseudo «  Gentiane.  Elle me semblait se sentir mal à l’aise et  égarée dans un site de forums dont je suis membre  alors  je la réconfortais de mon mieux.

Au début, ne sachant pas à qui l’on parle, les premiers contacts sont parfois  difficiles. Comme j’avais quelques années de pratique sur ce site et que je n’avais pas encore oublié mes premières expériences sur le net, j’imaginais bien son émotion et son ressentis face à ce géant qu’est le net. Tous ces internautes virtuels sont déroutants, les risques de gaffes sont possibles, c’est du moins ce que nous croyons.

Néanmoins l’envie de tout visiter, de tout découvrir, nous fait persévérer dans cette aventure extraordinaire qui est «  d’ouvrir sa fenêtre et, de son fauteuil, voyager dans le monde fascinant de l’internet.

C’est l’aventure d’une internaute que je vais tenter de raconter.

La Gentiane bleue 

La petite Gentiane bleue, tout comme la chèvre de monsieur Seguin, soupirait de visiter le monde. Elle s’ennuyait et se languissait dans la montagne. L’hiver avait été long et rude et le temps n’en finissait plus de s’étirer. Sa vue n’étant limitée qu’à ce qu’elle pouvait percevoir autour d’elle, elle ne voyait aucun intérêt dans cet espace réduit. Elle était bien petite encore mais elle avait néanmoins de l’ambition. Curieuse comme tout elle n’avait pas l’intention de se satisfaire de cet état. Elle admettait bien que lorsqu’on est une petite fleur bleue, plantée dans un sol sec et rocailleux, vouloir parcourir le monde et une idée complètement farfelue.  

Elle avait tout de même la ferme intention de ne pas en rester là.
L’idée lui vint alors que, pour assouvir sa curiosité, il lui suffirait de se faire remarquer et pour cela elle devait grandir. Mais comment faire ?

Dans un premier temps elle étendit ses racines et, se dit elle, je pourrais me nourrir plus copieusement et alors, croître et embellir plus rapidement.

En effet elle profita ainsi plus largement du soleil et, tout en ayant bien soin de refermer sa corolle la nuit et les jours de pluie, bien vite elle surpassa toutes les gentianes des environs.

S’étant levée tôt ce matin là, en même temps que le soleil, la petite Gentiane pressentait une atmosphère inhabituelle autour d’elle. Elle prit bien soin de sa tenue et se fit encore plus belle encore, car se dit elle, je sens  que mon désir de visiter le monde pourrait bien se réaliser aujourd’hui.

Elle aspira alors à pleins poumons l’air du matin, prit une bonne lampée de rosée, et se sentit à l’apogée de sa beauté, elle était la plus belle de toutes les fleurs du coin.

< Voilà je suis prête pour un grand voyage >  Soupira t elle, d’aise.

Elle attendit et l’effet ne se fit pas attendre.

Des bruits de pas résonnèrent dans ses oreilles. Comme Gentiane l’avait pressenti, elle vit arriver près d’elle un géant. Elle en voyait de temps en temps qui passaient par là, certains sans même la remarquer par contre d’autres s’extasiant devant sa beauté. Celui-ci contrairement aux autres, se pencha, la toisa et, délicatement la retira du sol en ayant bien soin de lui laisser une grande tige afin qu’elle puisse subvenir à ses besoins alimentaires. 

A son grand étonnement elle se retrouva soudainement avec d’autres fleurs identiques à elle dans un endroit sombre, sans air et sans issue. Elle ne connaissait aucune de ses consoeurs mais elle comprit vite que toutes avaient été coupées comme elle de leur terre natale et gisaient dans cet endroit sans soleil et dans lequel se répandait une odeur très désagréable. Cette odeur ne lui était pas familière et renforçait encore son inquiétude. Elle n’avait aucune idée de ce qui lui était réservé et pourquoi elle se retrouvait là avec toutes ses étrangères.

Eberluée elle eut bien de la peine à retrouver ses esprits…

Bref ! Ce n’est pas tout à fait ce que j’avais rêvé, pensa t elle !

Toutefois, comme elle était très intuitive et sage, elle pensa que cela n’allait être qu’un mauvais moment à passer.
Elle resta donc au milieu de ses compagnes un temps qui lui sembla une éternité. Angoissée par les conditions dans lesquelles elle se trouvait, situation qu’elle était loin d’avoir envisagée, elle chercha le moyen de fraterniser avec ses camarades. Elles aussi, terrorisées par ce qui leur arrivait, ne comprenaient rien de rien. L’incertitude et l’incompréhension de chacune n’étaient pas pour favoriser le dialogue. Elle essuya plusieurs échecs de communication ce jour là,  en se demandant bien, quelle idée elle avait eue de venir se fourrer dans ce guêpier.

Malgré l’obscurité qui régnait elle sentait bien qu’il se passait quelque chose d’important. Quelques unes de ses compagnes, les plus fragiles d’entres elles, avaient déjà une piteuse allure.  Une ou deux, suite à cette malheureuse expérience,  succombèrent d’émotions et de soif.

 

Une petite main douce et potelée, celle d’une fillette sans doute, fit deux tas de l’ensemble des gentianes.

Les plus faibles furent tout de suite rangées côte à côte dans une soucoupe, préalablement remplie d’eau fraîche, alors que les plus vaillantes, grâce à leur tige assez longue, furent placées méthodiquement entre les écailles d’une pive.

Ainsi superposées, les unes contre les autres et au dessus les unes des autres, les gentianes cachaient par leur présence la vue de la pive. De ses mains douces et amicales la fillette dressa l’ensemble qui forma ainsi une belle boule bleue qu’elle mit dans une soucoupe et déposa sur le rebord de la fenêtre.

 

Le lendemain

Quel effet magnifique cela faisait !

Grâce à cette délicate attention elles n’étaient pas complètement coupées de leur élément naturel. L’odeur familière et toute spéciale de la pive leur réchauffa le cœur. Ensuite, une bonne rasade d’eau fraîche les ragaillardit et c’est ainsi qu’elles passèrent la première étape de leur nouvelle vie.

 Le lendemain, le soleil étant particulièrement étincelant, Gentiane et ses compagnes se retrouvèrent sur le rebord d’une fenêtre.

Gentiane s’est mise tout de suite à regarder et, du haut de ce promontoire, sa vue allait aussi loin que ses sens lui permettaient d’observer.

Elle scruta tout d’abord l’environnement et fut éberluée par toute la circulation qui se pressait sous ses pieds et, fascinée par tout se qui se présentait à elle, elle n’en finissait pas de s’émerveiller.

La vue était magnifique. Elle était éblouie par tant d’ingéniosité et n’arrivait pas à tout capter car, trop c’est trop, et là vraiment, ça dépassait toutes les bornes de son imagination pourtant féconde.

Elle remarqua une grande agitation autour d’elle. Des déplacements de tous genres, des allées et des venues, tout semblait confus. Après un moments de réflexions elle comprit qu’il s’agissait de personnes qui, pour certaines laissaient des traces de leurs passages d’autres, trop effarouchées ou méfiantes, passaient en vitesse ou sur la pointe des pieds pour ne pas être vues, ni repérées. D’autres trop pressées par leurs occupations de survie, faisait qu’ils n’avaient pas le temps de la voir.  

Gentiane devinait beaucoup d’animosité, de gène, elle voyait surtout du « sensationnel ». Parfois même elle percevait des affaires douteuses et pas très honnêtes. Elle ne chercha pas à en savoir plus sur ce genre de « sensationnel » et évita tout simplement de regarder les endroits qui lui semblaient malsains. Elle avait bien trop d’autres choses à considérer et qui supposaient être d’un plus grand intérêt pour elle.

Elle constatait également que certains voyageurs étaient très heureux et prêts à aider les néophytes qui souhaitaient apprendre de ceux qui avaient déjà de l’expérience. Elle ne voyait aucune distinction d’âge, de race ou de couleur, ni de frontière, ni aucune limitation et cela la rassura.

Certains même remarquèrent sa présence et lui firent un petit signe amical au passage et la complimentèrent sur sa beauté et celle de ses compagnes.

Sentant bien que ces jours étaient comptés et qu’il fallait faire vite, Gentiane s’en donnait à cœur joie et en prenait autant qu’elle en pouvait supporter.

Les soirs de pleine lune, alors que les étoiles brillaient dans le ciel et donnaient à la nuit un charme tout particulier, elle en profitait pour faire de nouvelles explorations.  

Et bien non ! Gentiane n’avait pas imaginé ce que lui réserverait un voyage dans la vallée du net, elle ne regrettait rien, cette fascinante expérience en valait bien la chandelle.

La douce fraîcheur des nuits, le soleil qui la réchauffait durant la journée, ainsi que l’eau renouvelée chaque jour, fit que Gentiane et ses compagnes qui eurent assez de force et de volonté pour résister à cet heureux dépaysement, passèrent ensemble des jours heureux, « sur le rebord de la fenêtre ».

 d.wm 1er janvier 2002

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