Le pont de Brent  est centenaire 

 

Le pont de Brent au début du siècle

 

Le pont de Brent est un solide centenaire.

Achevé en 1901, ce viaduc en pierre de taille a mis fin à quarante ans de constructions métalliques dans le canton. Son constructeur, l’architecte William Cosandey, avait avant tout le souci de la durabilité.
Un ouvrage perçu comme une exception architecturale de son époque

Avant la construction du pont,  la Baye de Clarens  se traversait sur des planches glissantes et recouvertes d’eau par les crues ; on devait descendre au Tau.

pont1900.jpg (21739 octets)Le Pont de Brent lors de sa construction en 1900



RELIER BERNE ET MONTREUX

Jusqu’en 1901, tout le trafic entre Berne, Fribourg, Châtel-Saint-Denis et Montreux devait descendre jusqu’au fond du Taux et remonter vers Brent en prenant la forte pente en écharpe.
Les écuries du Taux louaient des chevaux pour doubler les attelages à la montée et mettait des serroirs à disposition pour freiner les véhicules dans la forte pente souvent verglacée. Le lit du torrent était alors aménagé pour faciliter le passage des chars et des cavaliers. Mais, si solide que fût le palier, il était souvent bouleversé lors de crues.

TROIS PROJETS

Au seuil du siècle dernier, les édiles décidèrent que cette situation ne pouvait plus durer. Le 30 juin 1899, les experts chargés d’examiner les divers projets émanant du concours recommandaient ainsi la construction d’un pont en pierre, écartant deux autres projets, l’un métallique, l’autre mixte (métal et pierre). «Les auteurs de cette construction ne pouvaient prévoir à l’époque l’importance de l’augmentation du trafic que causerait la prolifération des véhicules motorisés. On ne peut qu’en admirer davantage l’œuvre d’art architectural qu’est ce pont, lequel reste incontestablement un des plus beaux de l’époque où le béton n’avait pas encore supplanté la pierre de taille», commentait Albert Cardinaux dans une chronique parue dans le Journal de Montreux en février 1969.

UNE RÉVOLUTION

Ce choix de la pierre constituait alors une véritable révolution en ce qui concerne la construction des ponts dans le canton de Vaud. La plupart des ouvrages construits vers 1900 étaient en effet en métal. Dans la notice présentant son projet, l’architecte montreusien William Cosandey explique: «Nous ne croyons pas devoir insister sur les autres avantages du pont en maçonnerie au point de vue de la durée et des frais d’entretien.»Il apparaît clairement aujourd’hui que si ce pont avait été construit en métal en 1900, il n’existerait plus actuellement, alors que le viaduc de Brent n’a pas vieilli. Il se porte encore à merveille, même si certains ont déploré sa chaussée rélargie sur les trottoirs. L’encorbellement en béton, généralisé un peu partout, a toutefois été évité.
Avec la collaboration d’Hermann Lavanchy, également architecte à Montreux, William Cosandey construira ainsi un superbe pont en pierre de taille dans un bel appareil. Une arche de 44m d’ouverture à tympans évidés par six voûtes de 4m ainsi que 2viaducs d’accès de deux arches de 8m chacune constitueront un ouvrage de 112m de long et de 24m de haut. Il s’agit là d’un des plus grands et plus beaux ponts routiers vaudois de l’époque.

DES PIERRES… D’AMÉRIQUE

Anecdote rappelée par Albert Cardinaux dans sa chronique: une bonne partie de la pierre nécessaire à l’énorme volume de maçonnerie provenait… d’Amérique: «Oh! pas de celle de Christophe Colomb, mais d’un coin aussi charmant que sauvage, du vallon de la Baye de Clarens que les gens de Brent ont baptisé comme cela, on ne sait trop pourquoi. On y avait ouvert un banc de molasse rouge qui affleure là.»Toute ces pierres étaient amenées sur le chantier sur wagonnet, par un animal, avec la patience qui caractérise l’espèce: ce mulet tout le monde le connaissait, paraît-il: c’était le bourrique à Luset…

COÛT: 161000 FRANCS

L’estimation du coût de l’ouvrage, fondé sur un métré détaillé et complet ainsi que sur des prix faits par les entrepreneurs s’élevait à 161000 francs, y compris 10300 francs pour frais imprévus et surveillance. La comparaison de ce chiffre avec le coût présumé des ouvrages mis en première ligne par le jury du concours montrait que même au point de vue économique, l’arc en pierre pouvait soutenir la comparaison avec un arc en fer. Le jury avait d’ailleurs aussi préconisé des projets à poutre continue. Le viaduc ainsi projeté serait revenu, selon une estimation sommaire de William Cosandey, à 143000 francs. «Mais il faut remarquer que nous avons compté le tablier métallique à 400 francs la tonne, prix indiqué dans le rapport du jury, et que, vu la hausse constante des fers, il nous paraît douteux que l’on puisse obtenir un travail soigné à moins de 450 francs la tonne, ce qui augmenterait de 11500 francs le prix du viaduc métallique et le rapprocherait sensiblement du pont en maçonnerie», note William Cosandey dans son rapport. Par conséquent, en 1900, après quarante ans de suprématie des constructions métalliques, on en est revenu à la pierre avec le souci de la durabilité. On ne construira plus de ponts pareils. Celui de Brent, dont la maçonnerie défie les siècles, est donc un monument du genre et de l’époque.

Claude BÉDA

Sources: Archives communales de Montreux; documents et photos du Services cantonal des routes; archives de la Presse; «Vieux ponts du Pays de Vaud», de Pierre Delacrétaz aux éditions Ketty et Alexandre.

http://www.24heures.ch/home/journal/societe/index.php?Page_ID=6449&art_id=2412&Rubrique=Societe

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